Captures #35

LIGNES DE FUITE#1

Partir, revenir et refaire le cadre

Dans le cadre du mois de l’architecture en Poitou-Charentes 2015

Exposition du 18 avril au 28 juin 2015

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Raymond Depardon, Gilles Rondot,

Marie Bouts & Till Roeskens,

Tariq Teguia

Vernissage de l’exposition le samedi 25 avril à 18h
Un Archipel — Film de Marie Bouts et Till Roeskens à 20h

Une exposition produite par Captures, et composée par Frédéric Lemaigre

Bienvenue dans cette invitation au voyage, mais c’est de cartographie et de géographie dont il sera question. Un voyage en contrepoint du monde à travers une exposition composée comme un film de cinéma où le spectateur crée son propre montage au grès de sa déambulation au milieu des séquences, des plans, des champs / contrechamps et des mouvements. À l’entrée, une photographie de Gilles Rondot nous rappelle que nous sommes tous « connectés au monde », lui qui au fil de ses voyages constate l’uniformisation des villes de la planète à travers le consumérisme, l’omniprésence des publicités des multinationales occidentales dans l’espace public. Selon le modèle de l’internet, il n’y a plus ni centre ni périphérie et l’artiste nous dresse une carte des mutations en cours des villes, qui réinventent chaque jour leur réalité.

Un archipel n’est pas un territoire circonscrit par une frontière. Till Roeskens & Marie Bouts nous invite à suivre les habitants d’une banlieue parisienne dans leur parcours chanté, tel que Bruce Chatwin dans Le chant des pistes nous décrivait la manière dont les aborigènes d’Australie considéraient leur territoire : un enchevêtrement de voies et de lignes dont ils mémorisaient les intersections en les chantant en chemin.
Longtemps, le voyage a permis de représenter l’Ailleurs, documenter le monde, et stimuler l’imaginaire des occidentaux sédentaires. L’invention de la photographie au 19ème siècle et les écrivains-voyageurs comme Pierre Loti, ont contribué à alimenter ces récits. Or cette exposition prend le contrepied de cette évocation de l’Ailleurs en explorant la notion de “lignes de fuite”, concept développé par le philosophe Gilles Deleuze pour qui : “Partir, s’évader, c’est tracer une ligne, des lignes, une ligne de fuite, une ligne de vie”. Plutôt que l’origine ou bien la destination du voyage qui sont des points, c’est le cheminement qui importe ici, c’est-à-dire le milieu, autrement dit : la ligne. L’espace central polygonal de l’exposition présente des traveling de routes (Raymond Depardon) qui sont autant de pistes possibles pour le spectateur situé à la croisée des chemins, ainsi associé à une correspondance imaginaire et alternée entre les écrivains-voyageurs Henri Michaux et J.M.G Le Clézio. Deux fugues de J.S Bach accompagnent le dispositif. «Fuga» en latin signifie fuite. Cette composition musicale, par le jeu du contrepoint sublimé par Bach, donne l’impression d’une fuite, et d’un glissement permanent.

La construction en perspective, en dessin ou en architecture, utilise un ou plusieurs points de fuite. En Anglais celui-ci se nomme «vanishing point». Soit littéralement «point de disparition». Au fond du centre d’art, des lignes tracées par deux navires et deux personnages en fuite (Inland de Tariq Teguia) se croisent en un point de disparition mutuel. Fuir, conclue cette exposition, « c’est être en action, c’est le contraire de l’imaginaire », partir, et parfois ne jamais revenir, c’est-à-dire envisager la possibilité de son propre évanouissement…